L’Office fédéral de la santé publique surveille en permanence la radioactivité dans l’air en Suisse. Pour cela, il s’appuie sur le réseau de mesure automatique URAnet aero, qui comprend 15 stations réparties sur l’ensemble du territoire. Cette surveillance est complétée par des mesures de haute sensibilité réalisées grâce aux six collecteurs d’aérosols à haut débit (HVS). Le nouveau dispositif de mesure installé au Jungfraujoch complète les deux systèmes de mesure et remplace les vols de collecte à haute altitude effectués jusqu’à présent par la flotte d’avions Tiger, qui sera mise hors service en 2027.
Les dispositifs de surveillance de l’OFSP mesurent les concentrations des différents radionucléides présents dans l’air, tels que l’iode radioactif ou le césium. Ils permettent ainsi de déterminer si la radioactivité est d’origine naturelle ou si elle a été rejetée dans l’atmosphère à la suite d’un événement nucléaire ou radiologique. La connaissance de la composition d’un nuage radioactif et des concentrations des radionucléides qu’il contient fournit des indications précieuses sur l’origine possible de l’événement (p. ex. un événement dans une centrale nucléaire ou l’utilisation d’une arme atomique). Elle est en outre indispensable pour prendre rapidement les mesures de protection appropriées. Ainsi, si le nuage radioactif contient de l’iode radioactif, la prise de comprimés d’iode pourrait être ordonnée. La nouvelle station, qui vient compléter le dispositif de surveillance existant, est directement au service de la population. Grâce à elle, l’OFSP veille non seulement à protéger la santé publique, mais aussi à renforcer la sécurité de la Suisse.
La station de recherche du Jungfraujoch, située à environ 3500 mètres d'altitude, dans ce qu'on appelle la troposphère libre, offre des conditions uniques en Europe pour la détection sensible de la radioactivité atmosphérique. En effet, c’est dans les couches de la troposphère libre que le transport à grande échelle des masses d’air s’effectue le plus rapidement. Grâce à son emplacement, la nouvelle station de mesure de l’OFSP peut donc détecter rapidement de très faibles concentrations de radioactivité dans l'air, même si celles-ci proviennent de l’extérieur de la Suisse. La station apporte ainsi une contribution importante à la surveillance de la radioactivité à l'échelle européenne. Elle fait partie du réseau informel Ro5, qui regroupe une cinquantaine de stations de mesure hautement sensibles dans toute l'Europe.
La station du Jungfraujoch fonctionne selon le même principe que les stations URAnet aero situées en plaine. L'air ambiant est acheminé vers un filtre via une tête d'aspiration chauffée. La concentration des radionucléides présents dans l'air et retenus par le filtre est mesurée en continu pendant l'échantillonnage par spectrométrie gamma. En cas de détection d’une concentration élevée de radioactivité artificielle, un message d'alarme est immédiatement transmis. Toutefois, la mesure de la radioactivité dans l’air à une altitude de 3500 mètres constitue un véritable défi technique. L’installation doit être capable de collecter de grands volumes d’air, même dans des conditions extrêmes : températures descendant jusqu’à –30 °C, forte humidité et vents violents. Pour y répondre, l’OFSP a donc mis au point de nouvelles solutions techniques spécifiques.
Cette station se distingue également des autres stations URAnet aero par son volume d'air filtré, beaucoup plus élevé. La conception de la conduite d'aspiration et d'autres parties de l'installation, ainsi que la commande de la pompe, des éléments chauffants et des capteurs, ont dû être spécialement développées pour ce site. En effet, 100 000 m3 d'air sont aspirés et filtrés chaque semaine au Jungfraujoch. Cela permet d'identifier et de quantifier les radionucléides présents en très faibles quantités dans l'atmosphère. La réalisation de cette station de mesure automatique avec des mesures très sensibles et différenciées dans la troposphère libre est unique.
Après une semaine de mesure, le filtre est changé et envoyé au laboratoire de Berne où il est également analysé à la recherche de traces de radionucléides artificiels pouvant fournir des informations supplémentaires sur un événement. Ces mesures en laboratoire complètent les résultats des six autres stations du même type (HVS), situées sur le Plateau et dans le sud de la Suisse. Si nécessaire, d'autres radionucléides qui ne peuvent être décelés par spectrométrie gamma, tels que le plutonium, peuvent également être mesurés par d’autres techniques.
Le tableau ci-dessous présente les caractéristiques des différents systèmes de mesure. La nouvelle station du Jungfraujoch combine les avantages d'une station automatique et de la mesure sensible en laboratoire (cellules en bleu).
URAnet FHT plateau | station automatique Jungfraujoch | HVS | |
Débit |
15 m3/h |
600 m3/h |
600 m3/h |
Limite de détection (134Cs) |
5 mBq/m3
(après 12h) |
1 mBq/m3 (après 12h) |
0.1 µBq/m3 (après 1 semaine) |
Mesure | en continu | en continu | retardé (laboratoire) |
Fonction d'alarme | oui | oui | non |
Les mesures en continu sont évaluées toutes les cinq minutes et les résultats sont transmis à une centrale via le réseau de données de MétéoSuisse. Les alarmes techniques, en cas de dysfonctionnement, sont traitées par l'OFSP et MétéoSuisse, tandis que les alarmes de radioactivité sont directement transmises à la Centrale nationale d'alarme (CENAL), qui est rattachée au Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports. Les résultats des mesures directes peuvent être consultés en temps réel sur radenviro.ch, accompagnés d'informations générales sur la station.
En cas de détection de radioactivité d'origine inconnue ou suspectée illicite, la Suisse signalera l'événement à l'AIEA, comme ce fut le cas en 2017 lors de la mesure de ruthénium-106 au Tessin.
L’air ambiant est aspiré à un débit de 600 m³/h au moyen d’une tête d’aspiration chauffée, puis dirigé à travers un filtre de 40 × 50 cm. Une pompe régulée garantit un débit constant. Sous le filtre est installé un détecteur au germanium haute pureté (HPGe, efficacité relative 40 %), qui enregistre en continu le spectre gamma avec une résolution énergétique élevée.
Le détecteur est maintenu à une température de –160 °C grâce à un système de refroidissement électrique. L’ensemble de l’installation est piloté par le logiciel HVS-Control, qui transmet les instructions à l’automate programmable (PLC), assure la communication avec le détecteur et gère l’échange de données. Le PLC reçoit et traite les signaux provenant des différents capteurs (par ex. température dans la tête d’aspiration, température et fréquence de la pompe) et commande les différents composants.
L’analyse des signaux du spectromètre gamma est réalisée à l’aide d’un analyseur multicanaux associé à un logiciel dédié.